Je suis malheureux. Non, c’est faux. Veuillez me pardonner mon erreur et me laisser vous expliquer. Je suis heureux mais je l’ai oublié. J’ai toujours cru que le bonheur était comme une espèce de lézard visqueux qui me glissait des doigts chaque fois que j’essayais de le saisir. Je l’ai déjà attrapé ce reptile, mais il gigotait comme une truite printanière alors je le serrais si fort qu’il s’évaporait comme par magie. À d’autre moment, il réussissait son évasion et je le maudissais de m’avoir nargué de sa caresse douce comme l’été. Car un matin joli que je sifflais ce refrain, mon bonheur est parti sans me donner la main!
Mais alors, que dois-je faire pour le garder avec moi? L’image de mon sourire, de mon visage calme et souriant, l’image de moi heureux est au bout d’un long corridor au plancher de colle, au sol de goudron. Elle est lointaine et vaporeuse cette image idéale et même si je m’agrippe aux murs de ma propre volonté, ces derniers m’engluent et me retiennent, enduits de paresse et de procrastination. J’ai l’impression de tout savoir mais de ne rien sentir, de tout connaître mais de ne rien vivre. La vérité, c’est que je ne connais pas grand-chose et je subi tout ce qui m’arrive, incapable de prendre les guides et "chevaucher ma vie comme un cheval sauvage".
La peur. La peur est celle qui me bloque et mes blocages font naître ma peur. Mes blocages, ils sont sombres et ambigus et je suis las de jouer à l’archéologue. Même mon inspiration ne s’en nourrit plus. Elle les consomme par gourmandise et devient grasse comme mon bide plein de bière. Ma bedaine est une allégorie spirituelle et un cliché rock’n’roll.
Je suis coincé dans la recherche active du bonheur. Coincé à penser que je cours derrière alors que je le piétine. Il flotte et plane autour de moi pendant que je cale et m’enlise. J’ai eue à quelque reprise le sentiment du néant, du non-être, de l’absence du Moi. J’y suis arrivé soit avec la drogue, avec les émotions, avec la musique ou avec l’amour. Quoi qu’il en soit, à chaque fois cette expérience accentuait mon appréciation de la vie et de sa fugacité. Vous savez, cette sensation du rien carrelé, de la télé enneigées, du bruit blanc qui vous prend comme une chaleur dans le cou, un germe d’anxiété qui éclot et grandi comme un fils indésirable, et bien ça me donnait le goût de vivre parce que je savais et je sentais que ma vie était un cadeau, une gratuité réjouissante apparaissant comme un lapin dans un chapeau. J’en profitais. Je fêtais. Tellement que j’en suis venu à ne pas jouir des situations autre que la fête. Le travail, la vie sociale, l’amitié, le plaisir m’apparaissent comme des responsabilités. L’amour, pour moi c’est le party ou rien. Le but ultime, c’est l’Amour, le gros party, la fête perpétuelle, l’ivresse sans alcool, sans drogue, exalté, excité, naturel, intelligent. Mais quand ce n’est pas le cas, quand la joie n'est pas parfaite, je me fâche, je ressens de la colère et de l’agressivité et je chasse le bonheur à coup de bat de baseball…
…et je ne l’attrape jamais!
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